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Olivier Lestoquoit
Dré Pallemaerts
- Instruments : Batterie
- Naissance : 14/07/1964 - Anvers
Pendant plusieurs étés à partir de 1979, il suit un stage de jazz à Dworp (il en est désormais l'un des animateurs) où il étudie auprès du contrebassiste John Clayton. Impressionné par ses talents, ce dernier propose au jeune Belge de rencontrer son idole, Jeff Hamilton, batteur avec lequel il a longtemps fait partie du trio de Monty Alexander, à l'occasion d'un concert à Den Haag. A son tour, celui-ci le prend à son tour d'affection et, en 1984, l'invite à étudier à ses côtés à Los Angeles ainsi que quelques autres musiciens prometteurs qu'il a repérés, parmi lesquels figure la toute jeune Diana Krall. Les cours de Jeff Hamilton serviront de fondement au développement musical de Dré Pallemaerts. En Belgique, il appartient au trio de pianiste Jack Van Poll que complète le contrebassiste hollandais Hein Van de Geyn. Ce sont des années formatrices pendant lesquelles ils accompagnent de nombreuses chanteuses, telles Dee Dee Bridgewater ou Deborah Brown, ou des solistes américains comme Arnett Cobb ou Dave Pike. Ils forment également un quartet avec la chanteuse Dee Daniels grâce à qui il se rend à Seattle aux Etats-Unis. A cette occasion, on lui confie la tâche d'accompagner en public le trompettiste Art Farmer, le pianiste James Williams et la chanteuse Ernestine Anderson. Il est sur la bonne voie.
En Belgique, son talent désormais identifié lui vaut d'être un batteur très sollicité qui joue avec les meilleurs musiciens locaux (Steve Houben, Jacques Pelzer, Charles Loos ) mais aussi des pays voisins comme les saxophonistes hollandais Ben van den Dungen et Toon Roos. Parmi ses collaborations régulières, il fait partie du trio du pianiste Michel Herr, dont le contrebassiste est, une nouvelle fois, Hein Van de Geyn avec lequel il forme un tandem exceptionnel. Après leur rencontre avec le saxophoniste Joe Lovano qui, à cette époque, fait de fréquents passages en Belgique, le groupe devient un quartet puis, avec l'adjonction du trompettiste Bert Joris, un quintet qui joue abondamment. Un disque, « Solid Steps » (1986), en garde la mémoire.
En 1988, Dré Pallemaerts part à 24 ans vivre à New York avec l'envie de se confronter au meilleur niveau et à la tradition du jazz en plein renouveau. Il y retrouve le pianiste Dave Kikoski, travaille avec Fred Hersch et, grâce à Joe Lovano qui lui sert d'intermédiaire, décroche pas mal de gigs. Sur le conseil de Jeff Hamilton, il se présente à une audition du big band de Woody Herman, en panne de batteur, en vue d'une tournée au Japon et en Amérique. Bien que retenu, il ne pourra partir avec l'orchestre, faute de papiers en règle De retour en Belgique, il répond à la proposition de Philip Catherine de former un trio, toujours avec Hein Van de Geyn à la contrebasse (« Oscar », Igloo, 1988). Pendant trois années, l'activité de ce groupe lui permet de se faire connaître en France, où il collabore aussi avec un autre guitariste, Serge Lazarevitch avec qui il enregistre deux disques, « London Baby » (1990) et « Walk with a Lion » (1993). Il accompagne les premiers albums du tandem que forment le pianiste Diederik Wissels et le chanteur David Linx.
En 1993, Dré fait la rencontre déterminante du tromboniste Bob Brookmeyer dont il devient le batteur. Il enregistre le remarqué « Paris Suite » (Challenge) et prend auprès de lui des cours de composition qui ont une influence profonde sur son écriture. Parallèlement, il devient l'un des musiciens essentiels d'une scène belge en plein bouillonnement créatif, accompagnant la naissance du Brussels Jazz Orchestra, collaborant au projet « Worlds » d'Erwin Vann avec Kenny Wheeler et Norma Winstone (1995), participant au quartet de Kris Defoort qui accueille le saxophoniste ténor Mark Turner (« Passage », De Werf, 1997), intégrant le trio de Frank Vaganée avec lequel, augmenté de John Ruocco, il enregistre l'album « Two Trios » (De Werf, 1999). En association avec le pianiste allemand Christophe Erbstösser, il ouvre à Anvers le studio d'enregistrement « Par hasard », dont il élabore les plans après avoir étudié en autodidacte les règles de l'acoustique. Dans ce lieu seront enregistrés de nombreux albums marquants du jazz belge ainsi que la musique du long métrage Le Bal masqué qu'il cosigne avec son ami Bert Joris. En dépit de la fermeture de l'endroit, Dré continue de mettre en pratique sa maîtrise de l'ingénierie du son en réalisant le mixage dans son studio personnel de nombreux albums de ses confrères.
A partir de 1996, Dré Pallemaerts a commencé de se faire connaître à Paris, par le biais notamment du défunt club de la rive Gauche, La Villa, où l'on a fait appel à ses services pour accompagner des solistes de passage. Il y a débuté auprès de Tom Harrell et s'y est lié d'amitié avec le pianiste Bill Carrothers. Avec son compatriote Nic Thys, ils forment un trio qui, en 2000, signe l'album « Swing Sing Song » (Birdology) et, plus récemment, « I Love Paris » (Pirouet), et tourne en Europe. Dans la capitale française, il rencontre également le trompettiste Alex Tassel, lequel lui fait connaître le pianiste Franck Avitabile qui le choisit pour son « New Trio » (« Bemsha Swing », Dreyfus, 2002). Batteur attitré de Toots Thielemans, Dré fait partie, comme l'harmoniciste légendaire, de ces musiciens qui ont contribué à mettre la Belgique sur la carte du jazz. En 2003, ses talents reconnus lui valent de succéder à Daniel Humair au département « Jazz et musique improvisée » du Conservatoire nationale supérieur de musique de Paris. Ce poste d'enseignant renforce sa présence dans la capitale française, où il devient un compagnon de route des frères Belmondo (« Influence », B Flat, 2005) et membre à part entière du quartet formé par Baptiste Trotignon et David El-Malek (Naïve). Il accompagne également la chanteuse Laïka (« Look at Me Now ! », Body & Soul), le pianiste Franck Amsallem (« A Week in Paris », Nocturne, 2005) et le saxophoniste Rick Margitza.
En 2006, la parution de « 21.emanations » (Yolk) du collectif franco-belge Octurn révèle une autre facette du musicien. Il y propose une série de remix élaborés à l'aide de programmes générateurs de musique aléatoire qu'il a appris à manoeuvrer au fil des tournées dans l'oisiveté des chambres d'hôtel. Fasciné par la manipulation sonore depuis le jour où, enfant, il eu l'idée de raccorder entre eux deux magnétophones à bande, il n'a cessé depuis d'expérimenter, assimilant les possibilités de l'électronique, repensant même sa conception de la batterie à la lumière des spatialisations du son offertes par les logiciels.
Fidèles à ses « grands héros » de la batterie moderne, que sont Elvin Jones, Jack DeJohnette et Tony Williams, Dré Pallemaerts garde aussi en référence les talents coloristes d'un Paul Motian ou bien le leitmotiv de son ami et mentor Billy Hart, avec lequel il anime régulièrement des workshops, ce qui explique sans doute une part de sa modestie : « La musique d'abord et soi après. » En 2007, il publie chez B Flat Recordings un premier album, « Pan Harmonie », qui reflète ses conceptions de compositeur, à la tête d'un groupe de haut vol qui réunit quelques-uns des amis qu'il s'est trouvé au fil d'une riche carrière, parmi lesquels les américains Bill Carrothers et Mark Turner, le français Stéphane Belmondo et le belge Jozef Dumoulin.
texte par Vincent Bessières
Journaliste, membre de la rédaction du journal Jazzman, Vincent Bessières est chroniqueur
sur France Musique et collabore avec le département Pédagogie et Médiathèque de la Cité de
la musique à Paris.
Django d'or belge en 2008.