Le Chat-Pitre

Le Chat-pitre est un bon vieux bistro de quartier comme il en existe de moins en moins à Bruxelles. Il est caché au bout de la rue du Bailli, derrière l'église du parvis de la Trinité, au coin de la rue de l'Aqueduc et de la rue du Tabellion. L'endroit semble anachronique dans ce quartier plutôt branché et huppé. Ici, rien n'est tape-à-l'oeil, rien n'est luxure, rien n'est vraiment fait pour appâter le client. C'est un vrai "stamcafé", avec ses plantes vertes en vitrine, ses tables en bois, ses statuettes de jazzmen, ses tendres photos d'amis au mur et ses innombrables cartons de bières sur lesquels les clients ont dessiné des chats de toutes formes et de tous poils, punaisés derrière le bar. Il y a près de sept ans, Robert a repris ce bistro qui traînait derrière lui une sale réputation et l'a nettoyé à coup de musique. D'abord avec du blues et du rock et puis rapidement avec du jazz. Depuis, chaque mercredi à partir de 19 heures, les concerts de jazz sont souvent suivis d'une jam qui s'éternise jusqu'aux petites heures du matin. Le Chat-pitre est devenu le point de rencontre de la jeune génération de jazzmen qui trouvent ici toute la liberté pour s'exprimer. L'accueil est des plus sympathiques, les prix sont très démocratiques et les concerts sont gratuits. On se pousse un peu pour voir le groupe placé dans un coin de la salle et découvrir les jeunes musiciens, prêts à en découdre avec le jazz actuel. L'endroit n'est pas bien grand, mais l'acoustique est excellente et surtout naturelle. Ici, Jordi Grognard, Alex Tripodi, Renaud Dardenne, David De Vrieze, Mathieu De Wit, Cédric Favrese et d'autres ont fait leurs armes, ont cherché, ont tenté, ont inventé. Puis ils ont croisé leurs idées avec Fred Delplancq, Alexandre Cavalière, Tcha Limberger ou encore Stéphane Mercier. On y entend tous les jazz, du manouche à la fusion, du très contemporain au hard-bop… tout est possible et tout le monde est le bienvenu. Le Chat-pitre est un endroit chaleureux qui contribue, à sa manière, à faire vivre le jazz et son esprit. Et rien que pour ça, ça vaut le détour.
(Jacques Prouvost, Jazz In Belgium #72, octobre 2010)