Bram De Looze Solo

Il y a ceux qui arrivent en pleine possession de leurs moyens et qui revendiquent d'emblée leur place dans l'univers des possibles, Thelonious Monk en étant le principal exemple (même s'il a fallu du temps pour que tout le monde s'en rende compte). Et puis il y a ceux dont on sent d'emblée le potentiel et la personnalité, mais qui considèrent leur trajectoire comme un laboratoire des possibles. Il ne s'agit pas de dire qu'ils commencent humblement et qu'ils s'améliorent lentement dans leur travail, mais certains enrichissent et affinent leur position à chaque nouvelle étape. Bram De Looze (°1991) est certainement l'un de ces musiciens, toujours à la recherche de nouvelles options, de détours et de possibilités pour développer son art.

Au fur et à mesure que sa discographie et son réseau de relations nationales et internationales s'étoffent, il devient de plus en plus évident que sa musique est personnelle et qu'elle réussit à combiner un besoin intérieur avec une curiosité extérieure. Son jeu est raffiné et réfléchi, pas seulement cérébral. Le pianiste est toujours à la recherche de nouveaux modes d'expression, et ne se contente pas d'expérimenter les ingrédients clés que sont la mélodie, l'harmonie et le rythme, mais va également à un niveau plus fondamental, plus profond, où les résonances, les humeurs et les densités sont continuellement retournées comme des éléments d'un travail en cours constant.

Alors que l'histoire du jazz et de la musique classique ne cesse de s'enrichir et d'être disponible, il peut devenir difficile de se faire sa propre place en tant que musicien et compositeur. Les compétences techniques et une connaissance infinie des compositions vous permettront d'impressionner pendant un certain temps, mais ne suffiront pas à créer un impact durable. On pourrait rapprocher De Looze de nombreux maîtres du piano d'aujourd'hui, mais seulement dans une certaine mesure, car il parvient toujours à apporter sa propre touche. Il partage avec Jason Moran un talent pour la réinvention, mais il le fait sous un angle complètement différent. Comme Fred Hersch, il continue d'affiner ce toucher, mais s'éloigne du romantisme. Il a l'imagination débordante d'un Mehldau, mais a remplacé l'approche Panavision par une approche plus intime. De temps à autre, les ruminations de De Looze peuvent rappeler la complexité architecturale de Craig Taborn, mais avec un accent moindre sur la physicalité.

L'art de De Looze est avant tout un art de la métamorphose, non pas dans le sens d'un remplacement d'une chose par une autre, mais dans le sens d'une évolution constante, de l'utilisation de plusieurs idiomes (que ce soit le jazz, la musique classique ou l'improvisation libre) et de la réinvention. C'est un univers où la méditation et l'aventure, la dissonance et la pureté coexistent dans une tentative sans fin de capturer l'intangible.

Et l'avenir s'annonce radieux. Le quatrième album solo de Bram De Looze sortira au printemps 2024.