Igor Gehenot Trio

Igor Gehenot Trio


"Plus de quarante ans d'immersion et toujours cette même et cinglante jubilation lorsqu'émerge une nouvelle génération bleue ! Ces gamins en culotte courte ou presque, qui, du jour au lendemain, squattent les jam-sessions avec un mélange détonant de talent et de spontanéité. Ces gamins qui captent petit à petit l'attention des aînés, flairant l'aubaine.

Ces gamins qui, une fois prêts, montent le trio ou le quartet qui marquera l'éclosion de leur première maturité. L'histoire se répète mais ne bégaie pas : digérer le passé, assumer le présent, décanter l'avenir : la recette est infaillible mais chaque génération lui apporte son propre bouquet d'épices !

Par le passé, les héros du jazz en région liégeoise étaient saxophonistes (Bobby Jaspar, Jacques Pelzer, Steve Houben) ou guitaristes (René Thomas, Robert Grahame, Jacques Pirotton), rarement pianistes. Depuis une vingtaine d'années, les choses ont bien changé : Eric Legnini à la fin des années '80, Pascal Mohy dix ans plus tard, ont tour à tour incarné la génération montante, comme le fait aujourd'hui Igor Gehenot (né en 1989). Sur scène, son visage d'angelot se métamorphose, grimace, souffre avec délectation : pas de doute, il est de la Famille !

Ses premières apparitions en jam au JP's - lieu sacré – et ses prestations au sein du Metropolitan Quartet avaient révélé un pianiste à la technique déjà plus qu'assurée et au feeling étonnamment enraciné. Un pianiste qui, sur des standards réinventés et sur des compositions personnelles déjà bien calibrées, possédait, de manière un peu insolente pour son âge, l'art de faire prendre la sauce. Ecoutez Mister Moogoo et vous saurez de quoi je parle – swing moderne et incandescent, Hancock/Legnini même combat. Idem pour le groove obsédant de A Long Distance Call to J.C. ou pour la couleur Power Trio de Rude Awakening.

Mais pour ce premier disque, Igor Gehenot a choisi de mettre en avant d'autres aspects de son jeune talent. Une part importante du programme de ce premier disque révèle en effet un univers plus romantique que puncheur, plus impressionniste que turbulent – Nuit d'hiver ou Green Valley font immanquablement penser à certaines pièces de Brad Mehldau ou de Jef Neve mais aussi à l'école des pianistes ECM. Un lyrisme volontiers planant qui ne sombre toutefois jamais dans la déliquescence, et qui contraste agréablement avec les compositions plus enlevées.

Pour finaliser ce projet, le pianiste s'est choisi deux partenaires de haut vol. Depuis la naissance de ce trio, Sam Gerstmans est à la contrebasse et assure la solidité rythmique et la lisibilité harmonique du groove Gehenot (cfr Highway at 2 ou Lena par exemple). Mais la surprise vient du nouveau venu, Teun Verbruggen, partenaire de longue date de Jef Neve, batteur inventif à souhait, qui apporte une dimension nouvelle au trio en termes de couleurs sonores et de timbres, et qui gonfle magistralement le traitement polyrythmique de l'ensemble (écoutez son solo sur Mister Moogoo). Ahmad Jamal, Bill Evans, Keith Jarrett, Brad Mehldau, Jason Moran ont, décennie après décennie, peaufiné le grand art du trialogue : la jeune génération du jazz belge apporte avec ce disque une jolie pierre à l'édifice !"

Texte de Jean-Pol Schroeder (Maison du Jazz à Liège)

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Video Igor Gehenot Trio (réalisation - Pauline Miko)