Greg Houben quartet meets Pierrick Pedron

Greg Houben quartet meets Pierrick Pedron

"En Belgique comme ailleurs, depuis quelques années, une génération de jeunes musiciens a pris ses distances avec les tornades M'Base ou electro, pour retrouver le bonheur absolu d'un certain mainstream moderne.

Line-up, parlons-en. D'abord passionné par le théâtre plus que par le jazz de papa, mais rattrapé par le virus après un séjour au Brésil : trompettiste et chanteur élevé musicalement en région liégeoise, comment aurait-il pu rester insensible au Dieu local – ce Chet Baker avec qui le paternel grava jadis un album magnifique, et avec qui, le cousin Jacques Pelzer passa l'essentiel de sa carrière ? Son premier disque, Greg Houben l'avait d'ailleurs marqué au fer bleu du plus liégeois des jazzmen américains. Sur ce nouvel album, par contre, point de chant et bien moins de Chet. Plus de Greg, qui s'en plaindra ? Des riches articulations de Funnel Clouds aux lyrismes intimismes de Mademoiselle Croissant, ou légèrement jungle de A Light Wind Blew Through Your Hair, c'est le talent d'un trompettiste aujourd'hui arrivé à sa pleine maturité qui se révèle ici. Et l'homme sait s'entourer.

Tête de proue de la génération 2000, Pascal Mohy tient le piano. Pascal Mohy, timide et emblématique dompteur d'ivoire, hier encore nourri jusqu'à l'overdose de Red Garland, puis de Bill Evans et de Monk : pain quotidien et régime boulimique, condition sine qua non d'autonomie et d'originalité à conquérir, on y revient toujours – vertige hancockien de Funnel Clouds, superbe chorus en accords sur A Light Wind Blew Through Your Hair, élasticité du toucher sur Mademoiselle Croissant.

Troisième belge de l'aventure, autre époque, Sal La Rocca, pirate défricheur bien avant ses jeunes partenaires de ces terrae cognitae oubliées ou presque. Peu de chorus sur ce disque mais une présence imparable tout au long de l'album.

Et puis, pour compléter ce quintet, les deux internationaux : Rick Hollander, merveilleux batteur américain de dentelle et de punch, et en special guest, Pierrick Pédron, dont l'incroyable sonorité et la puissance d'un autre âge – apte à laisser sur le pavé trente apprentis jammeurs – ressuscitent et régénèrent Cannonball.

Conte de fées bleues : Greg Houben et Pierrick Pédron se sont rencontrés en 2009, lors d'une after du Festival Jazz à Liège. La sauce a tout de suite pris une jolie couleur porteuse d'espoirs d'échanges ultérieurs : quelques jams, une carte blanche au Gaume Jazz Festival, et voici ce disque étonnant et détonnant à plus d'un titre qui propose une musique inattendue, globalement surprenante.

Greg Houben et Pascal Mohy, qui signent la plupart des compositions, ont, alchimistes avérés, transmué cette matière classique en modernité enracinée. Un neo-bop expurgé des tentations démonstratives des premiers temps : écoutez le très beau Funnel Cloud, un des seuls tempos rapides de l'album, et au terme des trois chorus (trompette, alto, piano), vous saurez de quoi il retourne – une rythmique intervenante mais jamais couvrante, un phrasé clair et précis, un swing à travers lequel le 20e et le 21e siècle se donnent définitivement le baiser sur la bouche." (Jean-Pol Schroeder, Maison du Jazz, Liège)